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L’Échec des Luttes Sociales et l’Inertie Réformatrice : Les Enjeux de la Mauritanie en 2025

La Mauritanie, riche en ressources naturelles, devrait être un terreau fertile pour le développement économique et social. Pourtant, elle est en proie à une crise systémique où le ...
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La Mauritanie, riche en ressources naturelles, devrait être un terreau fertile pour le développement économique et social. Pourtant, elle est en proie à une crise systémique où le travail, au lieu d’être un facteur d’ascension sociale, est devenu un instrument d’exploitation économique, piégeant la majorité de la population active dans un cycle de précarité et d’inégalités croissantes. Cette situation découle d’un modèle économique déséquilibré, d’une absence de mécanismes de protection des travailleurs et d’une concentration des richesses entre les mains d’une minorité privilégiée.

Sous le mandat du Président Mohamed Cheikh El Ghazouani, de nombreuses attentes ont été placées sur l’amélioration des conditions de vie des populations, avec une attention particulière aux travailleurs. Son engagement à promouvoir une meilleure répartition des richesses et à renforcer les mécanismes de protection sociale demeure un enjeu central pour son administration. Pourtant, les défis structurels restent nombreux et nécessitent des réformes ambitieuses pour éviter une aggravation des inégalités socio-économiques.

L’échec profond de l’opposition politique, qui se traduit par un repli inexorable du combat politique et un affaiblissement systématique au fil des années, trouve son origine dans la propension croissante de ses dirigeants à se rapprocher insidieusement du pouvoir, renonçant ainsi aux idéaux qui, jadis, fondaient leur lutte. Cette dérive vers une cooptation avec le pouvoir en place engendre une dissimulation progressive des objectifs émancipateurs de l’opposition, dont la vocation première semblait être de contester et de résister aux structures établies.

Parallèlement, les luttes syndicales, censées incarner un rempart contre l’exploitation des travailleurs et une défense acharnée de leurs droits, n’ont pas échappé à cette dynamique de compromission. Nombre de leurs représentants ont opté pour une affiliation tacite au pouvoir, négociant en coulisses des privilèges personnels au détriment des acquis sociaux et des droits fondamentaux des salariés. Ce marchandage des principes de justice sociale a permis aux employeurs de renforcer leur mainmise sur les conditions de travail, tout en imposant, sans réelle opposition, des normes et des lois qui affaiblissent les protections des travailleurs et facilitent l’érosion progressive de leurs droits en faveur d’une logique économique dominée par des intérêts privés.

La stagnation des salaires, couplée à une inflation galopante, crée un déséquilibre économique insoutenable pour les travailleurs. L’absence de mécanismes d’indexation automatique des salaires sur la hausse des prix et la dévaluation monétaire aggrave la paupérisation des classes laborieuses. Cette situation est exacerbée par une dollarisation partielle de l’économie, où les fluctuations monétaires impactent directement le coût des biens de première nécessité, rendant la vie quotidienne de plus en plus onéreuse pour la majorité des employés.

La dérégulation du marché du travail et l’afflux massif de travailleurs étrangers créent une pression supplémentaire sur les salaires et les conditions de travail. De nombreuses entreprises et foyers exploitent cette main-d’œuvre bon marché, accentuant le chômage structurel des Mauritaniens et contribuant à la déstructuration du tissu économique local. Cette dynamique, loin d’être anecdotique, constitue un facteur déterminant dans l’érosion des perspectives d’emploi pour les travailleurs locaux.

Historiquement, la société mauritanienne fonctionnait selon un modèle d’entraide et de hiérarchisation sociale, où chaque individu trouvait sa place dans un cadre collectif régi par des normes bien définies. Les liens familiaux, autrefois garants d’une prise en charge solidaire des plus vulnérables, sont mis à rude épreuve par la paupérisation générale. Là où un seul travailleur pouvait autrefois subvenir aux besoins de plusieurs parents, il se retrouve aujourd’hui incapable de répondre aux attentes de son entourage, l’obligeant à chercher d’autres moyens de survie en s’éloignant des valeurs traditionnelles et se tournant vers des alternatives souvent illégales.

Autrefois préservées par un équilibre social fondé sur des valeurs de solidarité et de respect des normes communautaires, les grandes villes comme Nouakchott et Nouadhibou voient désormais émerger des foyers de délinquance d’une ampleur inédite. Les cambriolages, les agressions nocturnes et même les meurtres s’y multiplient. Mais ce phénomène ne se limite plus aux centres urbains développés. Il touche désormais les régions les plus reculées du pays, des zones naguère considérées comme des bastions de la tradition et de la stabilité. Néma, ville emblématique du sud-est mauritanien, située à plus de 1 000 kilomètres de la capitale, en est une illustration frappante. Les habitants de cette ville historique témoignent d’une transformation radicale du quotidien. La violence s’est installée dans un environnement où la pauvreté pousse une frange grandissante de la jeunesse à des actes désespérés. Le phénomène d’agression, autrefois rare dans ces contrées, s’y banalise, tout comme l’apparition d’un marché clandestin de stupéfiants introduits par des réseaux transnationaux opérant aux frontières du Mali.

Si des réformes structurelles ne sont pas mises en place rapidement, la Mauritanie risque d’être confrontée à une véritable implosion sociale. Le pays se trouve aujourd’hui à un tournant critique, où la fracture entre une élite prospère et une majorité laborieuse en détresse s’élargit dangereusement. L’absence d’une classe moyenne fonctionnelle et l’érosion des mécanismes traditionnels de solidarité rendent l’avenir particulièrement incertain. Sans une action immédiate et coordonnée, le risque est de voir la Mauritanie basculer dans un cycle d’instabilité chronique, compromettant durablement son développement et sa cohésion nationale.

La Mauritanie ne pourra aspirer à une prospérité durable tant que son système économique demeurera fondé sur l’exploitation systématique et la précarisation de sa main-d’œuvre, alimentant ainsi un cercle vicieux d’inégalités croissantes. Le mandat du président Mohamed Cheikh El Ghazouani avait initialement généré de grandes attentes, notamment en ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et la mise en œuvre de réformes sociales ambitieuses. Il devient impératif de mettre en place un véritable système de protection sociale, de garantir une rémunération équitable qui reconnaît pleinement la valeur du travail, tout en rétablissant une dynamique économique capable de promouvoir une croissance inclusive et de reconstruire une classe moyenne forte et pérenne. Faute de telles réformes, la Mauritanie risque de s’enfoncer davantage dans un marasme d’inégalités sociales et de pauvreté structurelle, ce qui compromettrait irrémédiablement toute perspective de développement harmonieux et inclusif.

Ecrit par l’Ingénieur El Hadj SIDI BRAHIM SIDI YAHYA

Vous pouvez lire : Est-il temps de mettre fin aux nominations par allégeance ? (sur le lien suivant): https://www.elhodh.info/fr/fr/est-il-temps-de-mettre-fin-aux-nominations-par-allegeance/


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