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La Mauritanie face à l’épreuve du temps. Quand cesserons-nous de reproduire nos propres impasses ?

Depuis plusieurs décennies, la Mauritanie s’est engagée, à intervalles réguliers, dans des exercices de dialogue national et de concertation politique, ponctués par des échéances ...
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Depuis plusieurs décennies, la Mauritanie s’est engagée, à intervalles réguliers, dans des exercices de dialogue national et de concertation politique, ponctués par des échéances électorales coûteuses en ressources et en espérances collectives.

Pourtant, force est de constater que ces processus, bien que parés des apparences du sérieux institutionnel, ont échoué à produire une transformation tangible de la réalité nationale.

À chaque cycle, les recommandations et résolutions issues de ces assises, souvent pertinentes et globales, sont restées lettre morte, reléguées à la marge des priorités gouvernementales ou instrumentalisées à des fins de conjoncture politique immédiate.

Pendant ce temps, les indicateurs fondamentaux du développement humain, de la justice sociale et de la cohésion nationale n’ont cessé de se détériorer.

Plus grave encore, loin de corriger les errements du passé, le système politique s’est installé dans une logique de recyclage des élites dans un processus de perpétuation des méthodes défaillantes plutôt que de renouvellement des pratiques.

À l’épreuve des faits, en Mauritanie comme ailleurs, il est désormais avéré que les dialogues nationaux n’aboutissent à des réformes profondes que dans deux configurations précises :

   • Soit sous l’impulsion d’une classe politique nationale authentique, mûe par une conscience aiguë des défis collectifs et prête à sacrifier ses intérêts particuliers sur l’autel de l’intérêt général ;

   • Soit sous l’effet d’un mouvement populaire de masse, structuré autour de partis politiques véritablement enracinés dans les réalités sociales et épaulé par un réseau de la société civile indépendant et exigeant.

Aujourd’hui, force est de reconnaître que ni l’une ni l’autre de ces conditions n’est réunie dans le paysage mauritanien contemporain.

Le dialogue en préparation risque donc, à défaut de produire des ruptures salvatrices, de se réduire à une entreprise cosmétique, destinée à calmer artificiellement une situation perçue comme instable, tout en différant une fois de plus l’indispensable traitement des maux systémiques du pays.

Ainsi, nous nous condamnons collectivement à l’atermoiement, repoussant sans cesse la résolution de problématiques connues de longue date : la pauvreté endémique, l’exclusion sociale, la faiblesse institutionnelle, la crise du système éducatif, la corruption structurelle, et la dépendance économique.

Pourtant, il serait erroné de prétendre que le pays manque de visions ou de solutions : les recommandations déjà formulées lors des dialogues antérieurs, fruits d’un large consensus national, ont identifié avec précision les réformes prioritaires et les leviers d’action nécessaires. Ces recommandations couvrent l’ensemble des domaines essentiels : réforme de l’État, justice sociale, équité économique, gouvernance démocratique, transparence, et renforcement de l’État de droit.

Depuis plus de quarante ans, notre trajectoire politique et institutionnelle reste profondément marquée par l’héritage du système mis en place sous le règne de Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya. Durant cette période, la Mauritanie a sombré dans un modèle fondé sur l’enracinement des clivages tribaux et ethniques, l’alignement inconditionnel sur les politiques d’ajustement structurel dictées par les institutions financières internationales, la privatisation désordonnée des entreprises publiques, et l’abandon progressif par l’État de ses fonctions essentielles.

Le multipartisme instauré n’était en réalité qu’une façade dissimulant la répression des libertés publiques, la confiscation durable du pouvoir au profit d’une élite prédatrice, dans un contexte de corruption systémique, de mauvaise gouvernance chronique et d’absence totale d’alternance démocratique pendant plus de quatre décennies.

Cet héritage lourd continue de peser sur la nation. Aujourd’hui encore, bien que l’on puisse reconnaître au gouvernement actuel certaines compétences techniques et un professionnalisme accru, il n’en demeure pas moins qu’il hérite d’une société profondément façonnée par ces dérives passées.

La résistance institutionnelle, les blocages structurels et la force des réseaux clientélistes hérités du passé imposent aux décideurs actuels une tâche immense : non pas simplement réformer, mais reconstruire, dans un contexte où la rigueur morale, le courage politique, et une rupture franche avec les pratiques anciennes seront indispensables.

Dans ce contexte, si le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, au début de son dernier mandat, souhaite véritablement faire du dialogue national en préparation une étape historique pour la Mauritanie, il lui incombe de concevoir une véritable feuille de route, claire et ambitieuse, posant les bases d’une réforme profonde et d’une reconstruction nationale durable.

Ce dont le pays a besoin aujourd’hui, ce n’est pas d’une accalmie passagère, mais d’une approche de rupture, capable d’éradiquer les causes structurelles de la pauvreté, de l’exclusion et de la corruption.

Ce n’est qu’à ce prix que le président pourra laisser un héritage national digne, assurant à la Mauritanie une marche ferme vers un avenir meilleur et l’éloignant durablement du spectre des explosions sociales et politiques dont le risque, en raison de l’accumulation des crises, demeure préoccupant. En agissant ainsi, il accomplirait son devoir historique et jetterait les fondations d’une ère de réformes véritables, que les générations futures reconnaîtraient comme l’acte fondateur d’un renouveau national tant attendu.

En définitive, le salut ne résidera ni dans les incantations rhétoriques, ni dans les dispositifs formels vides de contenu ; il passe par l’émergence d’une volonté collective lucide et courageuse, déterminée à affronter les véritables enjeux de l’heure, avant que l’accumulation des retards ne rende la tâche irréversible.

Pour en savoir plus sur les sujets du dialogue, vous pouvez lire l’article sur le lien suivant : https://www.elhodh.info/fr/vers-une-doctrine-securitaire-proactive-plaidoyer-pour-lenrolement-volontaire-des-jeunes-mauritaniens-face-a-la-reconfiguration-regionale-et-au-deperissement-du-droit-international/

Ecrit Par L’Ingénieur El hadj SIDI BRAHIM SIDI YAHYA


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